Cela reste toujours aussi risqué de manifester sur Taksim. Les manifestants du mouvement qui s’y étaient à nouveau donné rendez vous l’ont à nouveau constaté, de même que les journalistes des médias de l’opposition qui ont été la cible des policiers rapporte Bianet. 13 d’entre d’eux ont été soit frappés, soit atteints par des balles en caoutchouc samedi dernier. Yunus Dalgıç, journaliste à Milliyet a même été blessé après avoir été poussé sous un camion à eau.
Mais quoiqu’en disent les gaz lacrymogènes, le jugement du tribunal d’Istanbul qui a déclaré le projet de la municipalité AKP pour Taksim illégal a du soulager tout le monde. En tout cas à part ses concepteurs et quelques promoteurs que cela ne fera pas plonger dans la misère, cette décision du tribunal n’a sans doute pas fait beaucoup de malheureux. Rares doivent être les habitants d’Istanbul même tayyipci que le projet de reconstruction d’une caserne ottomane abritant un centre commercial et des résidences süper luks de plus ou d’un opéra privé remplaçant le centre Atatürk, devaient faire vraiment rêver. Quant à celui ressorti des vieux cartons, de construire une grande mosquée sur la place Taksim, l’y avoir laissé depuis qu’il a été élu maire d’Istanbul, c'est-à-dire depuis 20 ans, n’a jamais fait perdre une élection à Recep Tayyip Erdogan.
D’ailleurs, même si la plupart des habitants de la cité géante n’ont pas du souvent y flâner (ce n’est pas le jardin du Luxembourg ), tous ont des bonnes raisons de se réjouir de la réouverture du parc Gezi , sauvé de la destruction par ceux qui l’ont défendu ou « rendu au peuple » après que les vandales en aient été chassés, comme l’annonçait le chef du gouvernement à la foule de ses militants rassemblée lors de son meeting de Kazliçesme (ils n’étaient sûrement pas tous des militants, mais qualifier ses sympathisants rassemblés pour un meeting de « majorité silencieuse » , c’était tout aussi osé). Une chose paraît maintenant sûre, c’est que le parc Gezi appartient vraiment au peuple, c'est-à-dire aux habitants d’Istanbul.
Et il n’a jamais été aussi beau. Il resplendit de roses. Les jardiniers de la municipalité n’ont pas fait les choses à moitié pour sa réouverture digne d’une inauguration officielle, à quelques jours du début du Ramadan.
Une solution alla turca (ou alla Erdogan plutôt ) qui permet de céder sans avoir l’impression de perdre la face, qui en chagrinera peut-être certains et a du enclencher des milliers de plaisanteries, mais qui présente au moins l’avantage de mettre tout le monde d’accord sur la sauvegarde du parc. Un tel consensus se fait rare ses derniers temps alors que Ramadan commence et qu’en ce mois de canicule les premiers jours vont être pénibles aux jeuneurs.
Une canicule qui pourrait bien devenir pire l'été à Istanbul quand les grands travaux du troisième aéroport (qui devrait causer la destruction d’un million d’arbres) et du troisième pont sur le Bosphore auront endommagé la forêt de Belgrade, le poumon vert de la ville. Le rêve qu’ont certains d’un Dubai ottoman pourrait bien finir par se rapprocher de la réalité.
Heureusement les citadins pourront toujours s’échapper quelques jours dans les parcs naturels nationaux du pays. Grâce au mouvement Gezi, un projet de loi qui les menaçaient n’a pas été voté. De là à ce que les vieilles habitudes changent ...
En attendant les autres parcs d’Istanbul et des autres grandes métropoles sont devenus des places de forums où la parole et les idées se libèrent, ils n’ont jamais été aussi fréquentés.
La place Taksim non plus d’ailleurs. Pourtant dieu sait si c’est une place traversée ! Mais la municipalité de Beyoglu, à qui le mouvement Gezi a donné des idées a décidé cette année de convier pour la première fois les jeûneurs à y partager les repas de rupture de jeûne.
C’était un peu vite oublié que le mouvement Gezi n’est pas antireligieux : ses musulmans anticapitalistes ont eux aussi des offerts des repas d’Iftar dans l’Istiklad Caddesi. La guerre froide continue. Au moins, la minute attendue pour rompre le jeûne est la même pour tous ! Et les plus affamés pourront toujours se faire offrir successivement un repas gezi et un repas municipalité AKP , ou le contraire selon d'où ils arrivent.
... profitant de la fraîcheur des Toma !
Excellent Ramadan à tous, jeûneurs et non jeûneurs. Si tout le monde ne jeûne pas tout le monde fêtera Bayram en Turquie, quand Ramadan prendra fin.